En 2019, la Ville de Nice a réintégré le réseau des Villes ou Pays d’art et d’histoire. Lors de la prochaine session élargie du Comité du patrimoine mondial, la France présentera la candidature de Nice en tant que Ville de la villégiature d’hiver de Riviera. Lieu de culture où se mêlent classicisme et modernité, Nice apparaît pour le visiteur comme un rêve, un rêve fait de luxe, de calme et de volupté.
Un label comme gage de qualité
Créé en 1985, le label Ville ou Pays d’art et d’histoire compte à ce jour quelques 119 villes et 71 pays de France. Il succède à l’appellation Ville d’art supprimée en 2005. Pour l’obtenir auprès du ministère de la Culture, la collectivité candidate s’engage à respecter une convention renégociée tous les dix ans. En outre, elle se doit de définir un projet culturel autour de la protection, de la restauration et de la valorisation du patrimoine. Pour se faire, elle a l’obligation de recruter un(e) Animateur (trice) du Patrimoine qui est chargé(e) de mettre en place un Centre d’interprétationde l’architecture et du patrimoine (CIAP) dont la mission est de sensibiliser les publics (et en particulier le jeune public) à l’architecture et au patrimoine du territoire. En retour, l’état s’engage via la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) à fournir des aides, des formations ainsi que divers supports de communication. Dans ce maillage territorial efficace et bien rodé, il manquait la présence de la Ville de Nice (dont les atouts historiques, architecturaux et paysagers sont indéniables). C’est désormais chose faite.
Une histoire plurimillénaire
Le territoire de la ville de Nice est occupé depuis la lointaine Préhistoire, comme en témoigne le site paléolithique de Terra Amata. Il y a 400 000 ans, les hommes avaient installé leur campement sur une plage et chassaient le cerf et l’éléphant antique dans les environs. Ce site est mondialement connu car il a livré parmi les plus anciens foyers aménagés de l’histoire qui témoignent des prémices de la domestication du feu par l’Homme. Bien plus tard, entre le milieu du III e siècle et le milieu du II e siècle avant notre ère, les Grecs venus de Massalia (Marseille) fondent, sur la côte, un comptoir nommé Nikaia. Parallèlement, les indigènes celto-ligures installés sur la colline de Cimiez sont romanisés et la cité de Cemenelum est créée. Cette ville devient, sous l’empereur Néron, vers 63 de notre ère, la capitale de la province des Alpes maritimae. Aujourd’hui, un magnifique site archéologique, composé principalement d’un amphithéâtre et de trois ensembles de thermes, témoigne de ce passé glorieux qui s’achève autour du VII e siècle de notre ère par l’abandon progressif de la colline de Cimiez au profit de la localité de Nikaia. C’est durant le haut Moyen Âge que nous retrouvons la cité de Nicea. Celle-ci a trouvé alors refuge sur la colline du Château, formant un espace défensif à 92 mètres de hauteur. Tour à tour Provençale, place forte de la maison de Savoie et enfin Française, Nice va intégrer et décliner de multiples styles architecturaux qui vont lui donner cette physionomie si particulière.
D’une place forte à une ville de villégiature
Mais comment une ville frontière ayant une vocation militaire durant plusieurs siècles s’est-elle transformée en lieu de villégiature ouvert sur le monde ? Tout débute par un traumatisme. Nous sommes dans les années 1705-1706. Énième péripétie de la guerre de Succession d’Espagne et des incursions françaises en territoire savoyard, Louis XIV ordonne la destruction de la citadelle du château de Nice. Celle qui fut décrite comme étant une des plus puissantes citadelles de Méditerranée occidentale n’est plus. Désormais ville ouverte, Nice n’a plus de fonction militaire défensive. Heureusement pour elle, durant la seconde partie du XVIII e siècle, avec la naissance du Romantisme et le goût des ruines antiques, les voyages sont désormais à la mode. Cette époque voit la fine fleur de l’aristocratie européenne effectuer ce que l’on appelle alors » the Grand Tour « . Voyage initiatique pour certains, il a pour but de découvrir les ruines antiques de Rome en particulier et de l’Italie en général. Un bel exemple de sérendipité : en cherchant la route de l’Italie, ces voyageurs découvrent alors Nice et s’y arrêtent. La paternité de la naissance de la villégiature à Nice est généralement attribuée à Tobias Smollett, médecin écossais venu à Nice soigner la dépression liée à la perte de sa fille. Ainsi, son ouvrage Les lettres de Nice aura un écho certain auprès de ses compatriotes. Mais il ne fut pas le seul car le Suisse Sulzer et le Savoyard Albanis de Beaumont contribuent à la découverte du lieu. La traversée du fleuve Var à dos d’homme pour atteindre Nice fera les choux gras des journaux anglais de l’époque.
En 1765, dans un rapport, le gouverneur de Nice écrit que plus de 200 familles étrangères séjournent à Nice durant la période hivernale et apportent une manne financière non négligeable à travers les locations de villas et l’emploi de domestiques. À la suite de l’intermède révolutionnaire et impérial, ceux qu’il convient désormais d’appeler « hivernants » et que les Niçois surnommèrent malicieusement « les hirondelles d’hiver » sont de retour en ce milieu du XIX e siècle. En 1822, les Anglais obtiennent la permission d’aménager une promenade qui va devenir célèbre dans le monde entier et le symbole de Nice. La même année, le roi Charles-Félix donne satisfaction au vœu des édiles niçois en transformant la colline du Château en jardin public afin que les hivernants puissent profiter du panorama et de promenades ombragées. La cascade sera créée en 1885. Cette société mène une vie mondaine : excursions, salons, théâtre, soirées, jeux. Une fièvre constructive s’empare alors de Nice, de nombreuses villas, châteaux voire folies sont construites. De 1832 à 1860, le Consiglio d’Ornato encadre ces constructions, réglant la trame de la voirie et contrôlant chaque projet. Avenues, rues et squares sont bordés d’immeubles remarquables, notamment de nombreux immeubles d’appartements de luxe dénommés palais. En 1855, l’état sarde autorise la création et la construction de lieux de culte non catholiques. Eglises anglicanes, protestantes, orthodoxes voient le jour. En 1860, l’union à la France est bénéfique pour la ville. Nice est raccordée au réseau ferroviaire en 1864. La ville s’étend alors sur les collines où l’air est plus frais et qui ffrent des terrains encore vierges comme au Piol, à Cimiez et sur le Mont-Boron. Nice est une destination hivernale prisée de la Belle Époque. La reine Victoria choisit Cimiez pour ses séjours dans la ville comme au Grand Hôtel de Cimiez en 1895-1896 et à l’Excelsior Hôtel en 1897. Point culminant de la saison d’hiver, le carnaval et ses festivités sont le reflet d’une intense activité mondaine. Courses de chevaux, régates, meeting d’aviation, puis courses automobiles s’ajoutent à la longue liste des divertissements prévus à l’égard des villégiateurs qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, sont plus d’un million à entrer en gare de Nice (hiver 1913-1914).
La promenade des Anglais devient le lieu où il faut être vu. Elle est révélatrice de la complexité du territoire. Elle abrite la plus ancienne villa aristocratique subsistant, l’actuelle Villa Furtado-Heine, édifiée à la fin du XVIII e siècle pour lady Penelope Rivers. C’est là que se concentrent, au XIX e et au XX e siècles, quelques-uns des bâtiments les plus emblématiques de la ville nouvelle, comme l’hôtel Le Negresco, inauguré en 1913, ou le Palais de la Méditerranée. Elle réunit également quelques uns des plus remarquables immeubles modernes, construits dans les années 1930 aux années 1950 comme le Forum de Georges Dikansky, le Palais Mary ou le Gloria Mansions de Kevork Arsenian. Mêlant différentes influences, ces constructions à l’esthétique moderne reprennent les éléments caractéristiques du style balnéaire, comme les loggias ou les longues terrasses.
Un nouveau rapport au corps, au soleil, à l’eau, voit le jour. La pratique des sports, des plaisirs aquatiques se développe. Les corps se dénudent, se bronzent et se parent de tenues seyantes. Ces scènes de plage estivales deviennent le symbole de ce nouvel hédonisme. À partir de 1936, l’instauration des congés payés favorisera la venue de classes sociales plus modestes, symbole d’un tourisme plus populaire, d’une ville plus propice au brassage social. Pour autant, le tourisme d’hiver reste toujours à Nice une réalité vivace, même après l’intermède de la Seconde Guerre mondiale. Nice est associée à des artistes et à leurs œuvres, à des peintres, des comédiens et des écrivains… C’est ici que Nietzsche a bâti son chef-d’œuvre Ainsi parlait Zarathoustra et Jules Romains Les hommes de bonne volonté… Les peintres Matisse, Dufy, Chagall et Max Beckmann ont suivi les traces de Turner et Edvard Munch. On pourrait aussi citer Berlioz, Cocteau, James Joyce, Le Clézio, Paul Morand…Les années 1960 marquent le passage à un autre modèle de croissance urbaine. La fonction touristique d’accueil cesse d’être le moteur exclusif du développement urbain de Nice. Face aux nouveaux défis, la ville souhaite miser sur un tourisme de qualité axé sur la culture et l’environnement. La candidature de Nice pour devenir Capitale européenne de la culture en 2028 en est l’une des illustrations.
La Revue de l’Histoire N°96
REPÈRES
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