Il s’agit d’un très important débat : L’Histoire a-t-elle un sens ? C’est-à-dire : va-t-elle dans un sens inéluctable ?
Pour Hegel, la réponse est oui. La Raison gouverne le monde…L’histoire universelle s’est développée rationnellement…L’histoire universelle est le progrès de la conscience de la liberté … écrivit ce philosophe. Il rejoint là les religions monothéistes annonçant la fin de l’Histoire avec le Jugement dernier, les marxistes avec l’avènement du communisme, et les ultralibéraux avec le mondialisme et un gouvernement mondial.
Si l’on choisit de répondre non, on se détermine avec une autre logique d’analyse. La réalité est courbe, pense Nietzsche en se référant aux Présocratiques. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve… Le plus bel arrangement est semblable à un tas d’ordures rassemblées au hasard… Le combat est père et roi de tout… écrivit le présocratique Héraclite.
Et le général de Gaulle, par exemple, qu’en pensait-il ? À priori, en le lisant et le relisant, il ne croyait pas du tout au sens de l’Histoire. Dans toute son oeuvre apparaît sa hantise de la ruine de la civilisation et de la France. Il se méfie de toute confiance en l’avenir. Il croyait si peu à la paix, à une paix mondiale, qu’il créa une force de frappe nucléaire, à la fois tactique pour les tirs à 150 km, et stratégique pour les tirs très longs. Et ce n’était pas, dans son esprit, pour ne jamais, au grand jamais s’en servir. Et jamais il n’aurait annoncé la fin de l’Histoire, comme l’a fait l’Américain Francis Fukuyama après la Chute du mur de Berlin.
Quant aux commentateurs du drame ukrainien, s’ils raisonnent de façon optimiste, ils sont plutôt dans une optique de sens de l’Histoire, et s’ils sont pessimistes, ils se rattachent plutôt à la théorie inverse.
Matthieu Delaygue
