Mitrailleurs allemands 1918 © Collection Mémorial de Verdun

VERS UNE THÉORIE PLUS INTELLIGENTE DE L’OFFENSIVE
E n quatre années de combat, la puissance de feu des régiments d’infanterie s’était décuplée. En 1914, l’infanterie était la reine des batailles et employait les deux tiers des soldats. La cavalerie était chargée de l’éclairer et l’artillerie de l’appuyer. Mais les Français avaient commis l’erreur de ne pas avoir développé une artillerie lourde et de longue portée. Ce fut une véritable boucherie. À titre d’exemple, un ordre envoyé par l’état-major aux capitaines de compagnie du 280e R.I. stipulait : « Attaquer coûte que coûte. Sans tenir compte des pertes. Les chefs d’unité
responsables de l’exécution de cet ordre
« *. Presque tous ceux qui sortirent des tranchées furent abattus par les mitrailleuses allemandes avant d’avoir progressé de 50 mètres. Attaquons, comme la lune, avait jugé le général de Castelnau avant d’être rapidement limogé. On finit par se résoudre à suivre son opinion et celle du général Pétain qui professait depuis bien longtemps des offensives restreintes et une coordination totale entre les différentes armes. Ce dernier ordonna d’attendre les Américains pour mener les ultimes grands combats.
Pour garder la ligne de front durant quatre ans, on avait opposé grande masse contre grande masse. On renforçait les tranchées, on attaquait tour à tour dans l’espoir non fondé de réaliser une percée jusqu’au bout des lignes adverses, et ensuite de les prendre à revers. L’artillerie avait pour rôle d’écraser totalement l’adversaire. Alors que celui-ci s’était enterré profondément dans ses abris dont il remontait dès l’assaut. Même en coordonnant bien l’artillerie et l’aviation, cela restait problématique. Mais une nouvelle fois les généraux allemands avaient été plus inventifs que les Français. Ils furent les premiers à généraliser sur le front russe, en 1917, le principe de la troupe d’assaut d’élite, capable de traverser une ligne ennemie, de passer à la suivante, et ainsi de suite, jusqu’à percer le front, tandis que les troupes plus traditionnelles s’occupaient de détruire les poches de résistance. Cela préfigurait le blitzkrieg. On entrait dans les principes de la guerre moderne qui depuis n’ont guère changé : une technologie à la pointe du progrès, un corps-à-corps violent et rapide mené par des spécialistes, qui emportent la décision et laissent à d’autres le soin de conquérir la totalité du terrain.
Cette dernière année de guerre, l’aviation fut toujours utilisée comme moyen de renseignement, mais de plus en plus pour les bombardements. Le système de tranchées trouvait là ses limites. Car il ne pouvait rien contre des bombes qui tombaient verticalement et des mitraillages en continu par les aviateurs. Le char avait fait son apparition chez les Alliés. Il permettait d’avancer avec plus de sécurité et plus vite. Il pouvait combler une tranchée en recouvrant de terre les troupes qui la tenaient, ce que redoutait l’ennemi.


LA PUISSANCE DE CHOC AMÉRICAINE
Cette année 1918, rien encore n’était joué. Le traité de Brest- Litovsk entre Allemands et Russes signé le 15 décembre 1917 donna durant quelques temps un avantage en nombre aux troupes du Kaiser. Jusqu’à l’arrivée effective des Américains. À la bataille de Saint-Mihiel, il fallait réduire le saillant de 38 kilomètres de largeur sur 20 de profondeur que constituaient les troupes du Kaiser dans les lignes françaises. Les Allemands qui s’estimaient en position dangereuse à cause d’une infériorité d’effectif, étaient en train d’effectuer leur repli afin de raccourcir leur front lorsque l’attaque commença. Désorganisés à cause de ce mouvement, ce fut pour eux un désastre. Ce fut la première victoire américaine en Europe.
Le but de la seconde bataille, l’offensive de Meuse-Argonne était de s’emparer de la liaison par chemin de fer entre Strasbourg et Lille. L’opération commença le 26 septembre 2018 et réussit malgré une remarquable résistance allemande. L’avancée américaine fut difficile. Avec en prime des embouteillages monstres.

*Les carnets de guerre de Louis Barthas. Éditions La Découverte / Poche. Page 67

La Revue de l’Histoire N° 86 Été 2018