La demeure de la Vallée-aux-Loups, propriété du Département des Hauts-de-Seine, se trouve à Châtenay-Malabry. Elle est devenue la Maison de Chateaubriand car l’auteur du Génie du christianisme y a vécu une dizaine d’années entre 1807 et 1817.

LE DOMAINE DU ROMANTISME
L a Maison de Chateaubriand a été labellisée « Maison des illustres », la maison et le parc permettant de découvrir certaines œuvres de l’auteur dans les lieux de leur création. Les artistes peuvent venir y travailler en résidence,
la journée, bénéficier de la magnifique bibliothèque, et trouver ainsi l’inspiration dans les lieux mêmes où Chateaubriand commença la première version des Mémoires d’outre-tombe. Leur seule contrainte est de réaliser une œuvre en osmose avec l’esprit des lieux. Chateaubriand écrivait avec le style équilibré du Siècle des Lumières où le verbe semble délicatement posé dans un balancement gracieux de la phrase. Mais il fut aussi le démiurge du romantisme français. Alphonse de
Lamartine escaladait les murs de La Vallée aux loups pour l’apercevoir de loin, trop intimidé pour oser venir lui
parler. Victor Hugo avait déclaré de son côté : Je serai Chateaubriand ou rien.
Cet homme était un repère du temps passé qui prévoyait les problématiques du monde futur. Il cherchait à définir un monde idéal, profondément humaniste. Il ne voyait de possibilité raisonnable que dans un retour à une
monarchie traditionnelle, reposant sur une philosophie romantique de la nature.

Dans son domaine de La Vallée aux loups, il allait porter toute son attention au joli parc de sept hectares aménagé
comme un miroir de ses voyages. La superficie des lieux sera par la suite doublée par Les Montmorency et les
La Rochefoucauld qui seront après lui les propriétaires du domaine. Ils agrandirent la bâtisse dont la partie première, aménagée par Chateaubriand, est restée comme telle.

LES DIFFÉRENTS DOMAINES DE L’ARISTOCRATISME
On pourrait résumer Chateaubriand en une seule de ses phrases : Je suis né gentilhomme. Mais que restait-t-il de l’aristocratie en cette fin du XVIIIe siècle ? Qui sont-ils, ces meilleurs, en cette France, juste avant la Révolution ?
Quel ennui dans ce triste château de son enfance, où l’on ne se parle presque pas, où l’on ne fait pas la fête avec ses voisins, où le froid se mélange à l’humidité pour conforter le caractère morose de ses habitants. La seule chose un peu originale : il y aurait des fantômes. La seule chose de bien : la lecture. Comme Napoléon, Chateaubriand se
reconnaît dans les pensées de Rousseau. L’ancien monde aristocratique est moribond. Lui, il rêve d’un monde intelligent et supérieur.
En voyage près des chutes du Niagara Chateaubriand, avec son guide, rencontrèrent une petite famille de Hurons. Ils allaient passer ensemble une nuit de pleine lune en pleine forêt. L’écrivain en sera marqué pour le restant de sa vie. Une invitation à partager un repas, à parler et ainsi se rencontrer avec une parole qui devient sacrée, et puis un sommeil qui les prend, les uns après les autres, en toute confiance Seul Chateaubriand reste éveillé. Il réalise que ces sauvages, c’est ainsi qu’il les appelle, partagent avec lui le même goût de la nature, de l’amitié et de l’hospitalité. Il retrouve en leur comportement le code d’honneur qu’on lui a enseigné. Avec cette recherche permanente d’une esthétique de la nature immémoriale que l’on ne doit pas trahir. Nous ne sommes plus dans le domaine de la relation de la cause à effet, mais dans celui de l’analogie. Ou de l’héraldique. Du totem ou du blason.
Sophie Kitching nous transmet cet aperçu des choses avec une élégance toute simple. Son œuvre va partir de la Terre et de sa réalité. Elle souligne le puissant équilibre des forces qui va créer l’équilibre du monde. Toute
explication analytique ne pourrait être que sèche face à ce grand mystère de la nature et de la vie sous toutes
ses formes possibles. L’œuvre est là. On la dirait venue d’outre-tombe.

Chateaubriand a écrit sept versions de sa nuit américaine avec ces sauvages qui en auraient remontré en allure à une compagnie de mousquetaires. Ce sont les plus humbles des humains en Amérique qui vont lui donner l’explication de cette osmose entre l’esprit guerrier et l’esprit de la nature éternelle. La vérité du monde repose donc sur le dénuement, sur la volonté et la force paisible qui est le contraire de l’agression et de la possession. Il n’y a plus de civilisation blanche ou indienne, mais il y a ces hommes, qui vivent et qui marchent dans le bleu de la nuit, au contact des sphères célestes. Certains connaissent l’écriture, d’autres non, certains sont plus riches que d’autres,
mais les regards se retrouvent, la confiance s’établit, c’est-à-dire que l’on peut dormir les uns à côté des autres, sans peur et sans la moindre gêne.

LE SECRET DU MONDE
On est donc dans une description de l’osmose. Elle repose sur l’écoute du vaste monde lorsqu’il s’endort. Lorsque le rêve devient le médium principal entre les différents mondes. Il y a les hommes blancs qui imposent une forme de productivisme matérialiste. Il y a les chasseurs indiens qui se repèrent dans une autre vision de la vie, où l’on ne cherche pas à modifier la nature, parce qu’elle représente le mystère, la source de vie, la seule qui protège et donne le secret de l’absolu. C’est la définition même du romantisme. Il allait donner un nouvel élan de la pensée aristocratique, fondée sur l’écoute de la nature et du sentiment, afin d’arriver à un absolu qui dépasse les frontières
et transcende la condition humaine.

REPERES

La Vallée-aux-Loups. 87, rue de Chateaubriand 92290 Châtenay-Malabry. https://vallee-aux-loups.hauts-de-seine.fr

Numéro 84 – Hiver 2017 – 2018