Sui Generis

Nous sommes issus de nous-mêmes. C’est une sorte de tautologie. Elle est peut-être à la base de l’Art. Au sommet de notre inconscient qui se trouve caché quelque part dans une obscure partie de notre cerveau. Nous faisons un perpétuel retour sur nous-mêmes pour créer de l’Histoire et ensuite l’analyser. On plaque des théories comme des marbres sur une façade en béton, on crée une cohésion pour y vivre et apaiser les questions de philosophie et de théologie qui nous hantent. Le sentiment artistique nous propose un dilemme : Sommes-nous nous-mêmes, ou bien sommes-nous d’autres figures dans un monde épars qui ressemble à celui décrit par Shakespeare, un univers de bruit et de fureur raconté par un idiot ivre au sortir d’une taverne de Londres. Personne ne le sait. On peut lire la recherche du temps perdu, mais on ne peut pas trouver la recherche de la vérité. Le chat de Schrödinger a été un des principes explicatifs de la physique quantique. On sait et l’on ne sait pas en même temps, on vit et on ne vit pas dans le même espace. C’est à la fois de la science et de la métaphysique de comptoir, mais en disant cela on oublie que l’Histoire se fait aussi dans les tavernes, les bistrots et les salles de réunion au fond des bistrots. Aussi, dans ce numéro de La Revue de l’Histoire, nous vous proposons une autre histoire dont on est sûr de la vérité et de son existence, quelles que soient les astringences théologiques ou matérialistes : c’est de l’histoire de l’art, de l’architecture, de la création dans son essence la plus réaliste et neutre comme le PH de l’eau douce et pure. C’est une façon de commencer l’année : parler d’artistes qui étaient pris jusqu’au bout de leur esprit par le désir de façonner du beau, parce qu’ils étaient partis vers l’Ordre de la peinture, de l’architecture, et de tous les arts qui alimentent en nous le sentiment créatif. C’est une recherche de l’absolu menée par des individus qui se sentaient poussés par un sentiment invisible : façonner ce qu’ils voyaient, le raconter et le montrer aux gens, comme une poésie ou le souffle du vent.
Nous vous souhaitons une bonne année et une bonne lecture. Nous vous parlons de gens remarquables, partis au loin d’eux-mêmes. Ils s’appelaient Gustave Courbet, Louis Mantin, Ingres, Bourdelle, Henner, Fabre, Pincé, Prades, Hugo… Artistes, archéologues, collectionneurs, ils ont cherché au fond de leurs pensées, de leur volonté, pour nous présenter ce qu’ils ont trouvé de meilleur en fouillant le monde. Ils nous ont fait ainsi un immense cadeau, hors du temps, hors de tout, pour l’intérieur de nos pensées.

Matthieu Delaygue