Voyage au bout de la nuit polluée

On peut croire ou non à la destinée humaine, à la volonté des hommes ou au hasard maître du jeu à moins que ce ne soit une volonté divine. Même si l’on refuse l’image d’un Dieu de l’Apocalypse, il reste celles de nos océans dévastés, de nos villes en surchauffe. Nos systèmes économiques peuvent se modifier. Parce qu’ils sont relativement mobiles. Mais nos habitudes individuelles, appuyées sur nos lois et nos morales, pouvons-nous les changer ? L’analyse historique peut-elle aider à trouver des solutions ? Jusqu’à présent, elle n’avait pas connu de paramètres dictés par l’écologie. Il y a bien eu des guerres, des épidémies de peste ou de choléra. Mais on savait qu’il y aurait un retour à une situation plus calme. Le droit et la morale en ces périodes de crises graves servaient uniquement à prendre des mesures de précaution relativement passives. Avec la grande pollution et le réchauffement climatique, pour la première fois, c’est notre planète entière qui est visée, c’est-à-dire nous-mêmes dans notre espèce humaine. On la proclamait pourtant en marche vers le progrès. Que va-t-il rester de nos principes de droit positif face à l’adversaire qui est en nous et dicte nos comportements de prédateurs de la nature ? Va-t-il falloir changer la nature du droit ? Pourra-t-on aménager un nouveau système économique sans modifier nos lois fondamentales ? Sommes-nous en train de revenir à un droit naturel qui ne dit pas encore son nom ? Est-ce un hasard si c’est une enfant qui est promue annonciatrice de temps nouveaux et non pas une juriste chevronnée, doublée d’une gestionnaire avisée, triplée d’une scientifique éclairée? Une société n’a jamais survécu dans l’histoire passée si elle n’a pas confiance en ses valeurs et son sens de la vision. C’est peut-être là le but suprême de l’art : nous avertir, nous donner une prémonition, pour renforcer nos énergies matérielles ou spirituelles. Des femmes normandes aux collectionneurs, des reines aux fées, des artistes aux guerriers, des indépendantistes corses aux explorateurs de la science, des amoureux du Patrimoine aux marins du Port de Marseille, c’est une alchimie qui forge ainsi l’histoire et la civilisation, avec force et vigueur. L’espérance face à une crise est bien là : dans la volonté humaine, qui transforme les enjeux individuels en collectifs, et qui donne un sens au collectif, comme une alchimie de la sagesse.

Matthieu Delaygue