Évolutions – Révolutions

Lors d’expériences scientifiques permises par sa capacité à se reproduire rapidement, il semblerait que la mouche protozoaire n’évolue pas. C’est très embêtant. Parce qu’elle contredit Darwin et Teilhard de Chardin. Il n’y aurait pas d’alpha ni d’oméga. Pas de monde meilleur. D’un autre côté, la question du chaînon manquant serait résolue : il n’y aurait pas de chaînon. Il est donc normal qu’on ne le trouve pas. Cette information fait partie d’un vieux système de pensée. L’essentiel de notre bonheur dépendrait de chacun, à son niveau, parce que l’on n’est pas assuré d’une évolution collective sur le long terme. C’est le fondement même de la pensée libérale en économie, telle que l’École anglaise l’a développée tout au long de la Révolution industrielle : Les pauvres sont pauvres parce qu’ils sont pauvres de naissance et non méritants. Le vagabond n’a qu’à travailler. Si la mouche protozoaire n’évolue pas, c’est parce que ce n’est pas son destin. C’est la revanche d’Oncle Picsou contre la petite marchande d’allumettes, c’est l’American way of life qui ne veut plus de l’Obamacare. Cette ligne de raisonnement avait peu à peu été occultée depuis Mai 68. On peut même dire que Mai 68 est la révolte contre cette mentalité jugée réactionnaire par tout le monde, y compris par ceux qui la soutiennent ouvertement..Dans les années 1947, nombre de spécialistes de l’économie publique prédisaient une catastrophe pour les années suivantes. Pourquoi ? Parce que les chefs d’entreprises allemands se lançaient dans la reconstruction de la zone Ouest sans trop se soucier des questions de sécurité sociale obligatoire pour leurs employés. Le système allemand devait donc s’effondrer. Alors, qui aura raison cet automne dans le grand débat annoncé partout dans le monde, dans les salons et dans la rue, sur le droit du travail et la mondialisation ? Pour l’instant, Madame de Bargeton essaie ses nouveaux maillots de bain pour la plage parce qu’à la différence de la mouche protozoaire son code de conduite a évolué depuis Balzac. C’est l’avantage de l’Histoire. On peut répondre que l’on n’a pas de réponse sur l’avenir parce que l’on a déjà bien du mal à connaître le passé. On ne sait même pas, si, oui ou non, on va trouver une explication à la mouche non évolutive. Cela nous permettrait de savoir si l’Histoire a un sens, de l’alpha jusqu’à l’oméga. Ou bien si elle n’en a pas. Elle ne serait alors qu’un drame shakespearien de plus. Avec sa très riche histoire maritime, ses magnifiques œuvres d’art et ses guerres sans cesse renouvelées.

Matthieu Delaygue