Les enfants d’Alésia
Le Père Alexandre dans son livre Le Horsain raconte un pèlerinage de Normands cauchois de l’autre côté de la Seine à Lisieux, au temps de la IVe République :
«La remontée dans le car se fait lentement… Il est huit heures. Dans la plaine on croise encore des femmes qui traînent la godeine (un container de lait. ndlr).
– À c’theu-là… est-ti pouin eun’honte ? déclare quelqu’un. Dans l’esprit cauchois, la France est coupée en deux. Le nord et le sud de la Seine. Au nord, jusqu’à la Belgique,
les Français travaillent mais au sud, jusqu’à Marseille, ils ne font rien…
– Chi nous étions comme eux, y a longtemps qu’il aurait fallu prendre eun’musette pour aller à l’useine ! Tout le monde approuve.
C’est à ce moment précis qu’on voit arriver face à nous, en sens inverse, un bannet (un attelage. ndlr) conduit par un gars assis les jambes pendantes, la casquette
sur l’oreille, en train d’en rouler une petite. Tandis qu’il croise notre car, les regards sont méchamment braqués sur lui. Manifestement, le pauvre gars incarne le sud
des feignants. Je sens confusément que quelque chose se prépare tandis qu’il passe devant la première, la seconde, la troisième vitre ouverte, jusqu’à la dernière…
Et, en effet, c’est alors qu’une voix de stentor lui clame son mépris :
– Paisan !
Tout le car éclate de rire »
Vingt siècles après la conquête de la Gaule, l’analyse de César était ainsi toujours véridique : Omnia Gallia in tres partes divisa est… La Gaule est divisée en trois parties.
Au Nord de la Seine, les Belges. Au Sud de la Seine, les Celtes, et tout au Sud les territoires de l’Occitanie. Nos Cauchois des années 1950 sont des catholiques français qui appartiennent encore au monde belge de La Guerre des Gaules. La Révolution Industrielle et les chemins de fer viennent à peine de modifier la donne. Il faudra la croissance du nombre des voitures et des mutations professionnelles pour que les frontières des anciennes tribus gauloises cessent de tenir un rôle important. Les années 1970 commenceront ainsi à créer une autre physionomie de la France.
Ce que nous allons vous décrire, c’est cet ancien monde gallo-romain, si proche et si loin de nous. Avec cette bataille d’Alésia et ses conséquences sur une Europe dont les peuples se connaissaient avec difficulté, mais où le commerce international existait déjà.
Ces Gaulois et ces Romains, ce sont nos ancêtres. Ce sont nos origines culturelles. On a écrit que l’Empire romain, c’était le monde moderne qui n’aurait pas inventé la machine à vapeur. Des cercles bouddhistes hautement spiritualisés pensent que les Américains actuels sont les réincarnations des anciens Romains. Avec les mêmes buts et les mêmes idéaux.
La réincarnation existe-t-elle ? Mais c’est vrai que l’on peut faire un certains nombre de parallèles entre Rome et New-York, entre le G.I.’s et le légionnaire de César.
Mais alors, qui est Vercingétorix, ce vaincu aimé de tous les Français, même si beaucoup de Français descendent de ses ennemis, romains, gaulois, provençaux, allemands ?
Il reste la légende et le romantisme d’un acte fou, d’une révolte échouée… Les survivants et les vainqueurs de ces rêves ont créé la brillante civilisation gallo-romaine et ensuite, le non moins remarquable monde du Moyen-âge.
Matthieu Delaygue