La guerre de 1914 n’avait pas encore dévasté ces charmants paysages. Les gens y vivaient heureux. Ce n’étaient point des terres très riches, les engrais industriels n’existaient pas. Les pays de Champagne doivent être imaginés boisés, avec des villages fortement peuplés. Les villes étaient ravissantes, directement sorties du Moyen-âge. Tout un peuple industrieux et intelligent avait inventé le champagne et avait su développer des industries dynamiques. C’étaient des terres fortement catholiques où les gens avaient malgré tout accepté la Révolution sans se formaliser. Puis elles avaient soutenu l’Empire et les guerres napoléoniennes. Jamais elles n’avaient réellement pensé que les armées ennemies pouvaient revenir, comme en 1792, au temps de Valmy. La patrie était de nouveau assaillie, et l’enfer commença. Réquisitions françaises, puis russes, allemandes et autrichiennes, villages brûlés, combats dans les champs, résistance dans les bois, meurtres, viols, tortures…On vit se développer tous les signes des grandes crises humanitaires : les populations civiles participent à la guerre lorsqu’elles ne supportent plus les exactions ennemies. On ne se sent jamais autant patriote que lorsque sa famille et ses biens sont en danger. Mais au même moment, dans l’Ouest, les recrues désertent. À Toulouse, pour empêcher le départ des troupes, on menace de fusiller le premier conscrit qui se présentera à l’appel. À Bordeaux, on proclame le retour du roi. La France commence une guerre civile au moment où elle est envahie. Elle fera de même 130 ans plus tard.

Cette histoire de 1814 mériterait des milliers de pages pour raconter les faits d’armes héroïques de toute une population civile ou militaire, jeunes et vieux soldats mélangés. La France se crée une nouvelle légende glorieuse. Marie-Louise, prénom d’une jolie blonde, est devenu un nom de guerre, dans la grande tradition française qui sait si bien mêler l’apologie des femmes et de la violence. Car la France sera toujours un pays de guerre et de gaieté, de luxe et de précision, et de chefs-d’œuvre créatifs et originaux… Les dentelles d’Alençon, les vieilles maisons de Cahors, la volonté architecturale moderne du Havre détruit par la guerre, le Montparnasse refuge de tous ces étrangers qui voulaient révolutionner l’art après 1918…La France est un pays de Gaulois qui aime dépenser avec faste et ambition aussi bien pour son patrimoine que ses idéaux… Nos crises budgétaires récurrentes vont toujours de pair avec des investissements massifs dans des guerres extérieures. La France restera ainsi toujours ce pays étonnant et merveilleux, où l’on va jusqu’au bout des raisonnements, des passions… où toujours au bord de l’affrontement, le monde gaulois retrouve ses joies et ses peines, dans une atmosphère de haute culture. La furia francese sera toujours notre signe distinctif, quelque soit le sujet. On n’y peut rien. Nous sommes nés comme cela.
Matthieu Delaygue

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