Renaître de loin
Renaître comme une salamandre, indestructible même par le feu. Était-ce la Renaissance d’un peuple, ou d’une civilisation ? Cela pourrait dire : retourner aux sources de la vie et de la connaissance prônée par les Anciens, Périclès, Socrate, Platon, Virgile… Redécouvrir la force du Parthénon et des écoles d’Athènes, parce que Rome n’avait finalement fait que copier les Grecs. Inventer les notions de Moyen-âge et de Renaissance, avec celle-ci remplaçant celui-là, est loin d’être une erreur d’analyse du 19 e siècle, même si le changement ne se fit pas brutalement. Il y eut bel et bien un rejet par les élites du 16 e siècle de tout un corpus de doctrines qui avaient été avalisées par le monde féodal. Ce dernier était venu du Nord et de l’Est de l’Europe, avec une aristocratie franque, goth ou viking. Celle-ci avait façonné la chevalerie européenne. Elle avait combattu pour une doctrine religieuse messianique et autoritaire. Mais à la fin de la Guerre de Cent ans, la plupart de ses familles avait disparu ou perdu leur identité originelle dans les différentes guerres d’Europe et d’Orient. Le code de chevalerie n’est déjà plus appliqué par Jeanne d’Arc lorsqu’elle laisse son prisonnier bourguignon le noble Franquet d’Arras se faire pendre par un jugement de bourgeois à Provins*. La doctrine sociale et politique de l’Église ne se remettra jamais de ses erreurs scientifiques lui faisant condamner successivement Copernic et Galilée. L’artillerie française et royale annonce le début des États-nations, financés par des banques et dirigés non par la noblesse d’épée, mais par une bourgeoisie lettrée transformée en noblesse de robe plus authentiquement gauloise. La classe dirigeante et intellectuelle devenait une société de gai savoir, de perspective par la peinture et de relativité par la philosophie. On retrouvait les vieux principes du paganisme gallo-romain, on renaissait à partir des écrits et des raisonnements ayant fécondé la civilisation antique.
Lier la Renaissance à une nouvelle apparition du monde gallo-romain et de sa mentalité est donc assez logique. Cela permet aussi de mieux concevoir l’identité d’un peuple de France qui commençait à prendre ses marques en tant que modèle de civilisation face aux autres pays européens. La Renaissance fut ainsi un retour à ses sources originelles pour tout un peuple qui avait pris ses marques dans un mix des cultures latine et celtique. Elle marque une plus grande influence des peuples du Sud vis-à-vis du monde plus austère du Nord. En même temps, avec la colonisation des Amériques, l’afflux de son or et la multiplication des échanges internationaux favorisés par l’utilisation grandissante des lettres de change, on recréait l’intensité économique et internationale de l’Empire romain.
Notre publication s’est penchée sur ces deux civilisations gallo-romaine et de la Renaissance qui ont tracé la route de la France. C’est presque du même peuple qu’il s’agit si l’on fait abstraction de l’apport génétique des Grandes Invasions. C’est celui qui résistera à Rocroi, à Verdun. Il aura toujours cette volonté de présenter un modèle de réflexion culturelle. Il aura la foi, l’espérance, la volonté de toujours bien faire. Et il n’a certainement pas dit son dernier mot, que celui-ci soit politique, religieux, militaire ou simplement artistique..
Matthieu Delaygue
*Voir les écrits de Philippe Lamarque à ce sujet.