Du particulier au général
Nous vous invitons au voyage. Mais un voyage un petit peu particulier. Celui de l’Histoire, bien sûr. Mais celui aussi de son souffle secret, qui habite les pierres et les forêts, les abbayes et les châteaux. Les paysages sacrés de La Chaise-Dieu, le chant des violons et de la terre, lorsque le soir se couche, et que l’on allait écouter les Cziffra interpréter Liszt et Chopin… Toute une culture du monde est là. Dans ces vieilles abbayes construites par des hommes illuminés de leur idée de Dieu vivant et les appelant. Ils n’hésitaient pas. Ils partaient très loin dans leurs raisonnements ou ailleurs, en de lointaines croisades comme les Templiers. C’était un monde où tout était compté, jugé, interrogé. La société reposait sur des rapports écrits, des livres de comptes, des transactions pour des donations, des calculs stratégiques pour obtenir des permissions de construire, de commander…
Tout à côté, il y avait les châteaux. On pourrait dire des îlots de paix, parce qu’ils étaient bien défendus. Et tout en haut, il y avait les monarchies. Et tout en bas les villages. Rien n’était facile. Les temps de grande misère succédaient aux temps des maladies, les guerres venaient s’intercaler dans le décor, les passions et les haines se succédaient, on connaissait déjà les crises économiques et internationales. L’histoire du Périgord est un bel exemple de cet univers mouvementé. Bien sûr, à l’échelle du temps, il faut aussi considérer les périodes de calme. Même si elles intéressent moins les historiens. Tolstoï l’écrivit, les histoires heureuses se ressemblent toutes, mais chacune des histoires malheureuses est différente et donc suscite l’intérêt.
C’est toute cette longue suite de jours indifférents et d’histoires malheureuses que nous vous évoquons dans ce numéro. Cela constitue l’histoire de notre pays car ce sont des individus qui ont fait la France. Le reste, les grands faits historiques, les grandes idées, tiennent plus du jeu de la tragédie. Et même si celle-ci est partout sous-jacente, il faut penser avant tout à ces hommes et ces femmes qui, dans l’anonymat de leurs existences, ont œuvré, jour après jour, pour une continuité de civilisation, afin que leurs descendants, c’est- à-dire nous, soyons encore présents, à l’heure actuelle. Penser à eux avec émotion, c’est le début nécessaire pour comprendre ce qui est profondément humain dans notre pays, dans nos régions…Ce sont eux qui ont construit ces routes et ces maisons, ces églises et ces villes, par un effort et une bonne volonté en continu.
Matthieu Delaygue