La guerre est-elle la
continuation de la politique par d'autres moyens, ou bien ne faudrait-il pas écrire l'inverse ? Il est impossible d'évoquer l'Histoire sans parler de cet ensemble de confl its,
batailles, grandes et petites guerres, guerres
secrètes, préparations d'affrontements, systèmes de défenses et d'attaques, théories militaires, idéologies révolutionnaires ou conservatrices, qui ont marqué l'histoire du monde. Avec
leur cortège de généraux, maréchaux, hommes politiques, soldats du rang ou de fortune, aventuriers de toute sorte, héros ou parfois personnages troubles.
L'Histoire est aussi cette suite d'angoisses, de violences, de courages et de sacrifices, où l'intelligence développe ses stratégies
au gré du hasard, de la nécessité et des
progrès techniques. Le monde humain n'est pas forcément et simplement un univers de combats. Mais ces derniers ont développé une culture commune, une science à la fois technique et philosophique, qui est à la pointe du savoir moderne : Conflits financiers,
conflits d'intérêts de toute sorte, luttes pour des voies de commerces ou d'infl uences, luttes simplement pour des rivalités qui ne s'expliquent pas en termes de logique pure, la politique mêlée à tout cela, et ensuite
le souvenir, lorsque le confl it s'est arrêté
et qu'il reste des marques parfois indélébiles, dans les consciences et les systèmes.
De la réalité des faits aux
souvenirs, de la déformation des faits à leur analyse parfois forcément incomplète, de grands mystères côtoient de
grands hommes, tandis que de grandes inconnues et de grandes armées continuent leur course dans l'Histoire du monde, avec des millions de soldats qui sont parfois nos ancêtres.
LA MINE AU COEUR DES CONFLITS
LE NORD ET LES CORONS. LE MONDE OUVRIERDE LA MINE. GERMINAL ET LES GRÈVES DE L'INTERNATIONALE COMMUNISTE. LA MISÈRE
ET LA RICHESSE. L'ASCENSION SOCIALE ET L'EFFORT. LES ROUGES CONTRE LES JAUNES. LES COUPS DE GRISOU, LES BOMBES, LES ORPHELINS ET
LA TUBERCULOSE.
LA VIE DES OBSCURS
Germinal. Zola. En famille. Hector Malot. Les souleries au genièvre. Les fêtes de Ducasse. Les hommes sales et fatigués. Les ménagères qui portent les enfants à la communale avant d'aller acheter dans un cabas en toile la
nourriture supplémentaire du jour, celle que l'on ne
trouve pas dans les produits du jardin. Il fait froid. Il pleut. L'hiver, le jour
tombe très vite. L'été, il y a un mois de canicule. On boit
de la bière dans les estaminets. On voit les enfants
jouer sur les trottoirs des corons. À leur tour, ils
seront mineurs, ce sont des familles nombreuses. Parfois de
dix, douze enfants. Jusqu'aux premiers Congés
payés, la seule fois qu'ils sortaient du terrain
plat de leurs régions nordiques, c'était pour aller faire
leur service militaire, et la guerre, lorsqu'elle avait
lieu. Une partie de mes ancêtres était de ces
gens-là. De la mine. De l'exploitation. De ce monde
ouvrier qui avait ses codes, son honneur et ses luttes
intestines.
LES VISIONS À LA ZOLA
Montage du chevalement provisoire de la fosse 14 des mines de Lens
à Loos-en-Gohelle, 1920. © Collections Centre Historique Minier
La première chose à
dire, c'est que Zola s'était trompé. Germinal est un livre généreux
mais paranoïaque. Déformé comme seul pouvait le déformer un grand écrivain. Un bon bourgeois , qui n'avait
jamais travaillé manuellement, qui avait été
toujours solitaire face à sa page blanche et son onirisme
visionnaire qui en fait un de nos maîtres en littérature aux
côtés de Balzac. Non, les mineurs ne buvaient pas. Non, ils n'étaient pas dégénérés. Non les filles n'étaient pas
de pauvres garces qui se faisaient forcer par des
hommes brutaux qui s'appelaient Chaval, pour faire penser
le lecteur à un cheval de labour. Non, les syndicalistes qui
dirigeaient les grèves n'étaient pas des émotifs qui avaient
envie de tuer parce qu'ils avaient en eux du sang assassin
parce que dégénéré par l'alcool. Non, les épiciers n'abusaient
pas des femmes qui n'avaient pas de quoi payer
leur pain de saindoux, et celles-ci, lorsqu'elles
étaient déformées par leurs grossesses et leurs misères, n'envoyaient
pas leurs jeunes filles de quinze ans pour
chercher leurs commissions et se faire dépuceler contre un ruban ou un morceau de fromage de tête. Non, lorsqu'il y avait des révoltes des femmes ouvrières, l'épicier du quartier ne partait pas se réfugier sur les toits, il ne tombait pas de frayeur, et les vieilles femmes des corons de leurs mains sèches et grises ne lui coupaient pas ses parties génitales pour aller les promener dans la rue principale tandis que les rentiers issus d'anciens domestiques se terraient dans leur cuisine en regardant par la fente des volets fermés. Et les grands-pères, lorsqu'ils étaient hydropiques et paralysés, muets et sales, ne rassemblaient pas leurs dernières forces pour se lever et étrangler une jeune et jolie jeune femme qui venait leur faire de la charité.
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